23 F. W. Walbank, op. L’historien, de même, décrirait alors les événements en focalisation externe et sans rien comprendre, à la manière, si l’on veut, de Fabrice Del Dongo à Waterloo dans le roman de Stendhal, ce qui lui interdit de discerner les lignes de force et de les faire apparaître à son lecteur : il « effleure la vérité », avec une tournure très concrète intéressante (κἄν ποτε δὲ τῆς ἀληθείας ἐπιψαύσῃ, 25h, 2), « il est présent sans être là », « aveugle à ce qu’il voit » (XII, 24, 6 ; 28a, 10)12. 6  « Le héros le mieux doué pour le commandement » (Histoires IX, 16, 1). J.-C., il fait partie des mille notables de la Confédération envoyés en Italie comme otages, alors que se renforce le pouvoir du parti entièrement dévoué à Rome (Histoires XXX, 13 et XXX, 32, 12), et il attend, dix-sept années … https://philitt.fr/2016/02/05/les-pensees-politiques-de-blaise-pascal Car celui qui s’informe n’a pas un rôle moins important pour la précision du récit que ceux qui font les réponses : c’est justement grâce au souvenir de tout ce qui accompagne les faits qu’il conduit pas à pas [pour χειραγωγεῖ] celui qui fait le récit à exposer chacun des événements. 4L’originalité de la définition de Polybe est donc ailleurs, et d’abord dans la distinction apparemment paradoxale qu’il marque entre deux activités données comme nécessairement complémentaires pour l’écriture de l’histoire, mais qui semblent, en raison même de l’engagement qu’elles exigent toutes deux, ne pouvoir être concomitantes : aussi le futur historien doit-il s’astreindre à une propédeutique politique, ou l’ancien homme politique consacrer sa vie à l’écriture de l’histoire « sans se disperser de tous côtés », et le terme employé, rare et imagé, est lui-même très significatif, a contrario, des multiples charges qu’impose une vie politique active — ἀπερισπάστως10 (XII, 28, 4). 17Cette première structure d’ensemble, structure méthodologique si l’on veut, appelle deux précisions. Par Raphaël Enthoven et François Caunac. HIP Sujet : l’actualité des idées politiques de la république romaine INTRODUCTION Les idées politiques de la république romaine sont certes tributaires de celles de la monarchie, mais animées par des hommes politiques et des écrivains d’envergure, elles gagnent en puissance et en profondeur aussi bien par le style que les valeurs défendues. Section 2 - La pensée politique romaine §) 1 Polybe et l'éloge du régime républicain §) 2 Le régime mixte de Cicéron A - Une conception morale de la politique ... - Q. SKINNER, « Les fondements de la pensée politique moderne », Albin Michel, 2009. Pour un réexamen des sources, Aix-en-Provence, Presses de l’Université de Provence (Coll. 35  I, 13, 7 ; II, 1, 4 ; II, 14, 1 ou 37, 7 par exemple. À côté des choix parfois surprenants et des silences de Polybe, C. Nicolet, par comparaison avec Cicéron ou la possible influence de Caton, montre les raisons de l’exposé, la clairvoyance de Polybe sur certaines questions essentielles et la mise en évidence d’un système. Afin de comprendre le système politique et le fonctionnement de notre économie et de la société contemporaine, les idées des politiques en sont le fondement. Pensée de Fénelon; Les réflexions et pensées recueillies (1720) 3À première lecture des chapitres précédant ce passage, néanmoins, les trois modes d’enquête qu’exige Polybe de l’historien semblent s’inscrire, avec seulement une précision plus grande du détail, dans la droite ligne d’Hérodote ou de Thucydide : la recherche documentaire, essentielle certes (XII, 25e, 6), mais dont Polybe donne une image forcée pour bien en faire apparaître les limites (XII, 27, 3-5), jouant des nuances (le moyen πολυπραγμονεῖσθαι, encadré par l’actif au §1 et « la (véritable) recherche » au §6) et de l’aspect (ἐρευνᾶν et συγκρίνειν)9 ; l’enquête sur le terrain, reconnaissance topographique qui évite, par exemple, des erreurs avérées de localisation ou une relation de bataille aberrante (celle d’Issos par Callisthène, XII, 17-18 et 17-22 en général, qui reviendrait à doter Alexandre d’extravagance (22, 5) — ἀτοπία), mais qui est aussi chez Polybe — et dès le début des Histoires — une enquête proprement géographique (XII, 25e, 1) ; l’activité politique enfin, dans le sens le plus large qui définit précisément le sujet de l’œuvre — histoire « pragmatique », celle des πράγματα politiques et militaires — et permet seule une audition avertie des témoins des événements d’où, en règle générale, la limitation du champ d’enquête aux faits contemporains ou immédiatement antérieurs. cit., p. 555 sq. Un recueil de citations de Polybe classées par thème. 26  « Pouvoir politique et crise de société chez Polybe », in S. Franchet d’Espèrey, V. Fromentin, S. Gotteland & J.-M. Roddaz (eds. Ces vertus, comme nous l’avons démontré par ailleurs26, assurent idéalement, avant toute dégénérescence humainement inéluctable, une relation de pouvoir fondée sur un accord mutuel, dévouement de qui gouverne, homme(s) ou État, au collectif, reconnaissance de l’autorité par ceux qui sont ainsi administrés (VI, 6, 10-11), avec des exemples plus concrets quoique historiquement idéalisés, comme le gouvernement de la Confédération achaienne ou de Philippe V de Macédoine en Crète27. Mots. Le lecteur, et l’homme d’État romain en particulier, a lui aussi tout à gagner à une réflexion sur l’exercice de l’autorité par les autres pouvoirs, qu’il s’agisse de Carthage, dotée en outre de la même constitution que Rome, ou de Philippe V. La différence — explicitée — et aussi le plus grand risque, est l’étendue de l’hégémonie romaine sur l’ensemble de l’οἰκουμένη. A. de Foucault, de qui nous avons ici repris la traduction. Les 24 lettres de l’alphabet forment ainsi comme un carré de cinq colonnes (de α à ε verticalement dans la première colonne, de ζ à κ dans la seconde, et ainsi de suite) et cinq rangées. aussi « Entre ἀρχή et τέλος : les Histoires de Polybe », in G. Lachenaud & D. Longrée (eds. 5C’est là qu’intervient pour la compréhension une comparaison capitale avec le travail du peintre, et c’est bien sur le regard que l’historien porte sur les événements et sur la manière dont il en rend compte que Polybe met l’accent. n. 7, p. 127-128, et n. 15. Une étude un peu différente de ces extraits importants du livre XII avait été faite dans une autre optique en introduction à un article paru dans les Actes du colloque Rhétorique et Historiographie, organisé à Québec en octobre 2005 et édité par P. Fleury, CEA, XLII (2005), p. 237-253, « La Persuasion dans les Histoires de Polybe ». Retrouvez toutes les phrases célèbres de Polybe parmi notre collection de citations célèbres en provenance d'ouvrages, d'entretiens ou de conférences. Nous analyserons enfin plus en détail la structure très particulière — et encore très nette malgré la nature fragmentaire de l’œuvre — que Polybe a sciemment donnée à ses Histoires, et qui fait sens, mais sans que cela ait jamais vraiment fait l’objet d’une étude globale16. Dans la narration, la scène (peut-être recomposée) de Scipion citant —selon la tradition —, dans un raccourci inattendu au moment de sa victoire, les vers homériques qui annoncent la fin de Troie, la mère-patrie de Rome, met particulièrement l’accent, avec le commentaire pour le lecteur, sur les craintes de Scipion pour l’avenir de Rome. 25  VI, 48, 4 et XXXI, 25, 2-8 et 29, 1-11. Passez au mode de lumière qui est plus agréable pour vos yeux pendant la journée. cit., p. 24-43 ; M.-R. Guelfucci, « Guerres et diplomatie romaine dans les Histoires de Polybe : éléments de philosophie politique », in E. Caire & S. Pittia (eds. 2- Les sources de l’« histoire des idées politiques ». cit. Encore fallait-il mesurer exactement l’ombre du rempart attaqué ». Aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence, de la force et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu'a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel à terre à notre commandement sans limite. Le devoir d’un général n’est pas seulement de songer à la victoire, mais de savoir quand il faut y renoncer. 10  XII, 28a, 8-10 ; ἀπερισπάστως est la leçon adoptée par P. Pédech dans son édition de la CUF (Histoires, livre XII, Paris, Les Belles Lettres, 1961) ; l’édition T. Büttner-Wobst (cf. La définition de l’histoire comme μάθημα y avait aussi été mentionnée, mais sans avoir jamais été vraiment développée. Voir aussi les schémas de F. W. Walbank, A Historical Commentary on Polybius, t. 2, Oxford, Clarendon Press, 1999 (1967), p. 147-148. J.-C. à Mégalopolis 126 av. Nous reviendrons donc, en préalable, sur la conception polybienne de l’histoire, mais dans son influence sur la facture de l’œuvre, pour examiner plus précisément, dans la manière de transmettre au destinataire, par l’histoire, des savoirs différents mais tous nécessaires (formation à l’action pratique, à la science politique, à la philosophie politique comme à la philosophie de l’histoire), le rôle de l’expérience politique et la présence de ce « [narrateur] intime» qu’est l’historien qui a été homme d’action, celui qui est « inscrit dans le texte ; c’est dire qu’il fait partie du récit »15. Il n’y a là cependant ni constat d’un déclin ni parti pris pour Rome, comme l’on a parfois voulu les trouver, mais plutôt, dans la logique de l’anacyclose que l’on peut freiner par la réflexion active sur l’histoire, les traits qui soulignent pour avertir et indiquer d’autres conduites à suivre. 19  Les traductions de IX, 19-20 sont celles de R. Weil dans son édition (Paris, Les Belles Lettres, 1982). 8  Δοκεῖ δέ μοι καὶ τὸ τῆς ἱστορίας πρόσχημα τοιοῦτον ἄνδρα ζητεῖν. Ainsi, à un moment choisi comme une époque de bouleversements, mais aussi d’exceptionnelle rencontre des histoires particulières, l’historien embrasse d’un même regard, à partir du livre VII, les divers champs d’action, dans un ordre aussi constant que possible pour son lecteur et, sauf mention particulière (XIV, 1a), sur deux années par livre. Parfois, comme dans le cas des Gaulois, il faut en plus, en remontant assez loin, corriger des peurs inutiles (II, 35, 9). 37  Sur la symplokè, P. Pédech, op. 14  Ainsi, l’étude des institutions romaines au livre VI, qui n’est pas celle d’un juriste, ne va pas sans erreur, mais rend compte de l’essentiel en privilégiant la compensation des trois pouvoirs et en examinant le champ d’action de chacun (C. Nicolet, « Polybe et les institutions romaines », Polybe, Genève, Fondation Hardt (Entretiens sur l’Antiquité classique XX), 1974, p. 207-265) est un exemple caractéristique. La meilleure citation de Karl Marx préférée des internautes. Polybe, en grec ancien Πολύϐιος / Polúbios (208 av. Suivis par la chronologie et le récapitulatif général, perdus mais annoncés par Polybe (XXXIX, 8, 8) pour constituer le dernier livre, les dix derniers livres, eux, font apparaître jusque dans ses faiblesses le résultat de la conquête, l’exercice de l’hégémonie acquise, dont l’histoire — et le lecteur averti — dira si elle est ou non un exemple à suivre (III, 4, 7). Alors que le livre XXXI, comme nous l’avons signalé, rappelle clairement, avec la digression marquée sur la formation de Scipion Émilien, les deux vertus civiques fondamentales que sont la modération et le courage comme le désintéressement et la clémence du gouvernant, la description de Rome après la victoire sur Persée montre, avec le goût du luxe qui s’installe, le premier risque. 19Entre ces deux termes de 221 et 217, Polybe a soin de traiter des ensembles qui forment temporairement un tout fini (V, 31, 4), et jusque dans l’écriture elle-même puisque, dans cet ensemble des cinq premiers livres qui nous a été transmis dans son intégralité, ils se lisent en asyndète : en vrai début de l’enquête sur l’accession de Rome à l’hégémonie, le livre III — la guerre d’Hannibal jusqu’à Cannes — commence sans connecteur logique, comme le livre IV, qui a pour objet les affaires grecques et la guerre des Alliés conduite par Philippe V. Poursuivant au contraire ce récit, le livre V s’ouvre sur un caractéristique Τὸ μὲν οὖν […] ἔτος… et se conclut, avec une maîtrise entière de la structure, sur cette même guerre des Alliés et, plus particulièrement et significativement, sur les ambitions hégémoniques de Philippe V (V, 101, 6-10 ; 108, 4 ; 109, 1-2), tandis que Polybe prolonge le récit des événements jusqu’à Cannes pour lui donner le même terme que le livre III (ἐξισώσαντες τοῖς προειρημένοις καιροῖς, V, 105, 10) ; parce qu’Antiochos III est moins immédiatement important que Philippe V dans la rivalité pour l’hégémonie, la guerre entre l’Égypte et la Syrie est, dans le livre V (34-87), encadrée par la guerre des Alliés et l’historien, très significativement, se justifie pour l’entorse qu’il fait ainsi à la chronologie par son souci de présenter à part, pour plus de clarté, les séquences d’événements qui font un tout autonome (V, 31)38.